Yearly Archives

2021

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Démon et merveille

Trouver les mots justes ce n’est pas se mettre en quête du vocabulaire le plus sophistiqué, des tournures les plus élégantes. Quand je cherche les miens, et que j’aide mes élèves à trouver les leurs, j’insiste particulièrement - cela fait l’objet d’un exercice dédié dans mon atelier - sur la vitalité qu’amène la langue orale à un texte. Parce qu’elle nous connecte au vivant, au son, à la langue d’une région, d’un métier, d’un milieu, d’une classe sociale. Pour écrire ce roman d’une violence inouïe, le chroniqueur judic[...]

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La Catalogne, épisode 2

"On va prendre cher avec les voisins : il est 16h, ils passent à table."  "Ils doivent tourner une émission de téléréalité." "Ah ben c'était 45 kilos max." "Il a déjà pété la bouée ?!" "Nan, j’ai posé la carte en premier." "Mauvaise foi, mauvais goût." "Mais quel tricheur, putain.” "Un Magnum ?" “NE ME TOUCHE PAS." "Les bergers allemands d'à côté m’ont repérée dès ma première lessive." "C'est à vous la boîte à musique ?" "On l'a trouvée au pied de notre lit, elle n'était pas là hier." "C�[...]

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Partenaires particuliers

Ils rentrent d’une avant-première. Son film à lui, sa vie à elle. Pendant qu’elle fait cuire une plâtrée de pâtes en silence, il se gargarise des louanges enfin reçues, tout en méprisant ceux qui les lui ont adressées, et ce prisme racial qu'ils veulent lui apposer. Au début elle laisse dire, fume, fragile, appelant les regards dans sa robe pailletée. Et lorsqu’il célèbre sa beauté et entend fêter son triomphe avec elle, cette muse qu’il a oublié de remercier dans son discours, elle explose.« Ce n’est pas une histoire d’amour&nbs[...]

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Corde sensible

La femme m’interroge, m’effraie parfois. L’œuvre me bluffe et me cueille à chaque fois. J’ai vu et aimé l’intégralité des films de Maïwenn, « ADN » n’y fait pas exception. Par quel miracle une cinéaste parvient-elle à sonner vrai instantanément, du rire aux larmes, quelles que soient les outrances de ses protagonistes et de ses situations ?Oui dans « ADN », histoire d’une famille dysfonctionnelle qui implose après un deuil, tout le monde est trop beau et probablement trop barré pour être vrai. Et je trouverai toujours ça étrange,[...]

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Les Alpilles

"Cette maison me donne envie de faire du Botox.""Y’a des placards partout c’est génial.""Ça, ce sera le cimetière des cigales.""Moi je veux rester ici toute la vie.""Vous m’avez entendue hurler ?""Le robot est passé entre mes jambes au moment où je regardais la libellule.""Tu parles, à 7h30 elles étaient réveillées.""Les seuls connards sans masques sur le parking, c'était nous.""Le poissonnier, il se touche sur les huîtres.""Qu’est-ce que c’est ma chérie ? Un fantôme ?""Nan c’est toi.""Putain mais y’a tout qui sonne dans cette baraque."[...]

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True romance

C'est au Texas que se passe "Song to Song" de Terrence Malick et dans un état proche de l'Ohio que je me suis écroulée devant hier soir. Un épuisement post-insomnie et post-masterclass qui m'a retenue de me lever au bout de 5 minutes pour attraper la télécommande et arrêter ces conneries. Je suis restée, bien m'en a pris.Alors oui, au fil de ces marivaudages amoureux dans le milieu de la musique - où l'on croise les Red Hot, Iggy Pop, Lykke Li ou Patti Smith - chaque pointure hollywoodienne trouve son emploi le plus évident. Rooney Mara en petite chose[...]

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1986

Cette force tranquille qu'on dégage sur les photos d'enfance et après laquelle on court ensuite pour le reste de sa vie.Tout est déjà là, il suffit d'y revenir. Décoiffée dans une robe trop sage, avec cette lueur confiante dans le regard. Essayer d'être, dès que possible, fidèle à la petite fille de septembre 1986....Lire les réactions à ce billet sur Instagram[...]

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Pomme d’amour

Ce soir-là j’étais partie pour attaquer « Industry » mais ma connexion à OCS ne cessait de planter. On était mardi donc il n’y avait aucun de nos rendez-vous hebdomadaires de couvre-feu, ni « Top Chef » ni « Koh-Lanta », ni « Grey’s anatomy » que l’on suit en US+24. Et je m’étais emparée de la télécommande avant que l’Homme n’enquille un énième documentaire sur Netflix. J’ai ouvert Amazon Prime. Tiens, « Modern Love ». Je ne connaissais cette rubrique culte du « New York Times » que de réputation, et avais offert, quelques s[...]

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La mine de diamants

Je procrastinais. Ce moment hautement symbolique de ranger leurs dossiers, leurs textes. Ces sorties papier constellées de codes couleur, de cercles, de flèches et de mots-clefs, qui ont accompagné tant de mes soirées et de mes week-ends pendant sept semaines. Depuis le 1er avril, je les laissais traîner dans un coin de mon bureau, à portée de main. Repoussant l’échéance. On continuait de se parler régulièrement par email, sur IG ou notre groupe Basecamp, échangeant des impressions de lectures ou des reco de podcasts. Dans ma tête, ce n'était pas[...]

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La citadelle

"Le Dressing Code" a longtemps été le prolongement de mon blog. Mais depuis un mois, l'incendie d'OVH et la disparition de mes archives, tout a changé. Ce livre, paru en 2019, est devenu mon blog à part entière. La somme et la synergie de mes expérimentations vestimentaires, de nos échanges, et de ce cheminement que je n'aurais jamais imaginé en ouvrant ma page sur Canalblog en 2006 : passer de la surconsommation au désencombrement. Sans cocher la case "minimalisme" au passage, sans renoncer à tout ce qui est moi : les imprimés, le mix & match, le[...]

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Se délester

C'est une petite phrase lâchée l'air de rien par un parent, un prof, un supérieur hiérarchique. Une petite tape sur la main, eh oh, faudrait pas se prendre pour un écrivain. Un ricanement qui résonne encore cinq ans, dix ans, vingt ans après. Une fraction de seconde pour eux, une éternité pour vous, qui a suffi à vous éteindre, vous verrouiller.C'est aussi pour ces secondes-là, ces phrases-là, ces croyances-là que j'ai eu envie de lancer la masterclass TROUVER LES MOTS JUSTES, destinée à toutes les plumes. 3 heures pour se délester, enfin, de ces[...]

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L’adieu

Je l’ai empoché en quittant le crématorium. Dans ce bac scintillant au soleil, j’ai cherché la bonne taille, l’ovale qui tiendrait parfaitement dans ma paume. J’en ai essayé plusieurs, vérifié la couleur, un blanc cru sans tâche, qui me rappellerait la pureté de cette journée. Bien sûr, il y avait eu ces mots inaudibles, « résurrection », « grand départ ». Mais à l’église, le prêtre avait prononcé cette phrase : « être heureux c’est aussi pleurer, c’est se laisser toucher au point de pouvoir pleurer. » Ça m’avait p[...]

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Feu mon blog

Je l’ai pressenti dès que le sinistre dans les locaux de mon hébergeur OVH a été officialisé le 10 mars. Pressenti que je ferai partie de ceux dont il ne resterait rien. Effacer quinze ans d’existence digitale dans un incendie, avouez que ça ne manque pas de panache. Surtout pour quelqu’un qui vient de publier un livre sur les pompiers. J’ai été rattrapée par ma propre histoire..Ne pas avoir prévu le niveau de sauvegarde supplémentaire, le backup du backup du backup, ce n’est pas anodin. J’aurais pu le faire, je ne l’ai pas fait. Comme si[...]

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Mater dolorosa

Après un accouchement cauchemardesque, Martha perd pied. Voilà le peu d'infos que j'avais sur "Pieces of a woman" avant de le regarder. Et je bénis le critique du Parisien, un très bon ami à moi, qui n'en avait pas dévoilé davantage dans son papier. Gardant l'intrigue précise à couvert pour mieux en préserver la décharge émotionnelle. Prudente autant qu’intriguée, j'avais décidé de voir le film sans témoins. Ça promettait d'être rude. Mais je n'imaginais pas à quel point. J’ai tellement pleuré que j’ai dû m’y reprendre à plusie[...]