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Chroniques

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Le compte est bon

Je l’ai retrouvé hier par hasard, en mettant de l’ordre dans mes archives. C'est avec ce mail que j'ai organisé mon pot de départ au Parisien, en novembre 2018..600 caractères pour dire un parcours, une humeur, l'image que les autres rubriques avaient de la nôtre, la camaraderie transcendant les spécialités, la gratitude mélancolique des adieux..La presse quotidienne m'aura donné le goût des textes courts. Mariant la recherche du détail à celle des ellipses....Lire les réactions à ce billet sur Instagram https://www.instagram.com/p/CWaDIDn[...]

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Le cahier de latin

Dans "L'affaire Margot" de Sanaë Lemoine, un des personnages vit une humiliation profonde lorsqu'en classe, un professeur lui reproche de copier l'écriture d'une camarade, la forme de ses lettres, leur emprise sur le papier..J'ai repensé à ce passage en tombant sur ce cahier de latin, 3 jours plus tard, chez mes parents. Dans ma chambre de jeune fille restée intacte à l'étage, et que je me promets de vider depuis 10 ans..Rien ne m'était familier. Ni le cahier lui-même (un vieux Clairefontaine vert pomme) ni mon écriture..Mon nom et celui de mon collège[...]

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La Catalogne, épisode 2

"On va prendre cher avec les voisins : il est 16h, ils passent à table."  "Ils doivent tourner une émission de téléréalité." "Ah ben c'était 45 kilos max." "Il a déjà pété la bouée ?!" "Nan, j’ai posé la carte en premier." "Mauvaise foi, mauvais goût." "Mais quel tricheur, putain.” "Un Magnum ?" “NE ME TOUCHE PAS." "Les bergers allemands d'à côté m’ont repérée dès ma première lessive." "C'est à vous la boîte à musique ?" "On l'a trouvée au pied de notre lit, elle n'était pas là hier." "C�[...]

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Les Alpilles

"Cette maison me donne envie de faire du Botox.""Y’a des placards partout c’est génial.""Ça, ce sera le cimetière des cigales.""Moi je veux rester ici toute la vie.""Vous m’avez entendue hurler ?""Le robot est passé entre mes jambes au moment où je regardais la libellule.""Tu parles, à 7h30 elles étaient réveillées.""Les seuls connards sans masques sur le parking, c'était nous.""Le poissonnier, il se touche sur les huîtres.""Qu’est-ce que c’est ma chérie ? Un fantôme ?""Nan c’est toi.""Putain mais y’a tout qui sonne dans cette baraque."[...]

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1986

Cette force tranquille qu'on dégage sur les photos d'enfance et après laquelle on court ensuite pour le reste de sa vie.Tout est déjà là, il suffit d'y revenir. Décoiffée dans une robe trop sage, avec cette lueur confiante dans le regard. Essayer d'être, dès que possible, fidèle à la petite fille de septembre 1986....Lire les réactions à ce billet sur Instagram[...]

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L’adieu

Je l’ai empoché en quittant le crématorium. Dans ce bac scintillant au soleil, j’ai cherché la bonne taille, l’ovale qui tiendrait parfaitement dans ma paume. J’en ai essayé plusieurs, vérifié la couleur, un blanc cru sans tâche, qui me rappellerait la pureté de cette journée. Bien sûr, il y avait eu ces mots inaudibles, « résurrection », « grand départ ». Mais à l’église, le prêtre avait prononcé cette phrase : « être heureux c’est aussi pleurer, c’est se laisser toucher au point de pouvoir pleurer. » Ça m’avait p[...]

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Feu mon blog

Je l’ai pressenti dès que le sinistre dans les locaux de mon hébergeur OVH a été officialisé le 10 mars. Pressenti que je ferai partie de ceux dont il ne resterait rien. Effacer quinze ans d’existence digitale dans un incendie, avouez que ça ne manque pas de panache. Surtout pour quelqu’un qui vient de publier un livre sur les pompiers. J’ai été rattrapée par ma propre histoire..Ne pas avoir prévu le niveau de sauvegarde supplémentaire, le backup du backup du backup, ce n’est pas anodin. J’aurais pu le faire, je ne l’ai pas fait. Comme si[...]

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Les coeurs froissés

J'ai longtemps été une traumatisée de la Saint Valentin. Élevée dans l'idée qu'un couple digne de ce nom la fêtait religieusement. Pas de bol pour moi, je suis souvent tombée sur des réfractaires. En me traînant un persistant sentiment d'échec. Lequel a connu plusieurs paliers : être seule le jour de la Saint Valentin. Ne pas être seule, mais être la seule à vouloir la fêter. Mettre l'autre mal à l'aise avec mes attentes. Mettre l'autre mal à l'aise avec mes cadeaux, que je tenais à faire mordicus. Quitte à ce que ce soit unilatéral..Refuser[...]

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Le 501 annuel

Il vivote encore, avec ses bannières délavées par des décennies de pluie et de pots d’échappement. Dressé face à ce rond-point où convergent les commerces, les gens pressés et les refus de priorité, il dit la quintessence de la banlieue. Ces marques qu’on ne trouve ni ne désire ailleurs. Ces voisins qu’il domine de toute sa hauteur, un restaurant chinois et un bar fermés, deux boulangeries qui se font la guerre, un coiffeur figé dans les 90’s, un fleuriste discount..À chaque fois que je me gare devant, et je m’y gare souvent (l’une des b[...]

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Le mérite

J’ai été élevée au mérite. Dans l’idée que si je ne satisfaisais pas aux exigences qui m’étaient fixées, qu’elles soient scolaires, humaines ou professionnelles, je décevrais mes parents. Et que si je les décevais, ils m’aimeraient moins. Bien sûr, c’était faux.Oui, je sentais nettement la différence quand je fautais et quand j’avais donné satisfaction.Oui, j’ai parfois déçu ma mère ou mon père, à m’en rendre malade. Pour des choses importantes comme pour des broutilles. Mais ils n’ont pas cessé de m’aimer pour autant.[...]

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La Provence

« J’ai oublié mon masque dans la voiture. »« Contre-UNO ! »« Bonjour, on cherche la pharmacie de garde. »« Et ouvert entre midi et deux ? »« Non, ça passe pas avec le coffre de toit. »« Mais comment t’es rentrée sur le parking ? »« C’est les mecs de la voirie qui m’ont dit de monter sur le trottoir. »« Quelqu’un a vu l’anti-moustiques ? »« J’espère que c’est pas une gastro. »« Vous prenez Apple Pay ? »« On la joue en deux sets gagnants, façon Jeanne et Serge. »« Ils ont totalement vrillé à Fort Boyard. »« J’ai tro[...]

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Aoûtiennes

L’apesanteur de fin juillet.Les rues et Instagram qui se vident.Les mails pro qu’on n’ouvre plus avant 14h.Les virées au parc qui ont un avant-goût d’échappée.Le premier vêtement qu’on met de côté pour la valise.La playlist alimentée tous les jours en prévision du trajet.Les courses au compte-gouttes parce qu’il faut commencer à vider le frigo.Les amis qu’on est surpris de croiser encore à Paris.Le check-up chez le vétérinaire et le plein à la parapharmacie.La bouée trop petite, le maillot de bain trop grand, les solaires déjà rayé[...]

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Elle

Tu n’as même pas 20 ans, déjà ce raffinement qui ne te quittera plus mais aussi un certain mystère. Cette vie d’adulte d’avant la France, avant le mariage, avant la maternité, dont on sait finalement peu de choses, tant tu t’es livrée à nous corps et âme. Changeant de langue, de repères, d’appuis. Mais en gardant cette petite distance amusée qu’ont souvent les Français d’adoption..J’ai fauché cette photo il y a longtemps dans l’album familial, moi qui perds tant de choses je ne l’ai jamais égarée. Et à chaque fois que je la rega[...]

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Les soeurs

Leur salon est une bonbonnière perchée sur la plus grande artère de la ville. Il y a des branches et des cages à oiseaux suspendues au plafond, une vénus en faux marbre et une vitrine pleine de sacs à main strassés.On s’y sent plus légère dès qu’on en franchit le seuil. Elles tiennent leur affaire d’une main ferme, entre soeurs. Rarement à l’heure, toujours enjouées.Mélanie, la cadette, est la plus organisée.Elle a une collection de robes vaporeuses, qui l’enveloppent comme une fée. Et ronge son frein quand sa soeur, déjà en retard,[...]